La question de la revue des engagements de l’Accord de Paris
L’Accord de Paris, adopté en 2015 lors de la COP21, marque un tournant historique dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Son objectif central est de maintenir l’élévation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, tout en poursuivant les efforts pour limiter cette augmentation à 1,5°C. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, les États parties se sont engagés à revoir périodiquement leurs engagements climatiques nationaux, connus sous le nom de contributions déterminées au niveau national (CDN). Cependant, la revue de ces engagements pose de nombreuses questions cruciales pour l’efficacité de l’Accord.
Pourquoi une revue périodique des engagements est-elle essentielle ?
L’Accord de Paris repose sur un mécanisme de progrès progressif (ratchet mechanism), qui vise à renforcer les engagements climatiques au fil du temps. Chaque pays est tenu de soumettre des CDN tous les cinq ans, et chaque nouvelle version doit représenter une augmentation des ambitions par rapport à la précédente. Ce processus de révision est essentiel pour plusieurs raisons :
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Évolution scientifique : Depuis l’adoption de l’Accord, les connaissances scientifiques sur le changement climatique et ses impacts se sont affinées. La revue des engagements permet aux gouvernements de tenir compte des nouvelles données sur les risques climatiques et d’ajuster leurs politiques en conséquence.
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Progrès technologique : Les innovations en matière d’énergie renouvelable, de technologies propres et de stockage de l’énergie évoluent rapidement. Une mise à jour régulière des engagements garantit que les pays prennent en compte les avancées technologiques et adoptent des solutions plus efficaces pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions.
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Renforcement des capacités nationales : La revue des engagements permet aux pays de réévaluer leurs capacités internes, tant financières que techniques, et de se fixer des objectifs réalistes mais ambitieux en fonction de leur situation actuelle.
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Responsabilité et transparence : La revue quinquennale des CDN impose aux États de rendre des comptes devant la communauté internationale. Cela incite à une plus grande transparence dans la mise en œuvre des politiques climatiques et permet aux parties prenantes – gouvernements, entreprises et société civile – de suivre les progrès.
Les défis liés à la revue des engagements
Bien que la revue des engagements soit un élément clé de l’Accord de Paris, plusieurs obstacles peuvent freiner son efficacité.
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Manque d’ambition collective : Malgré les engagements croissants des États, les objectifs actuels des CDN sont insuffisants pour limiter le réchauffement à 1,5°C. En 2021, un rapport de l’ONU a estimé que les engagements actuels nous mettraient sur une trajectoire de réchauffement d’environ 2,7°C. La revue régulière doit donc inciter les pays à rehausser considérablement leurs ambitions.
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Inégalités entre pays : Chaque pays a des capacités différentes en termes de réduction des émissions. Les pays en développement, en particulier ceux les moins responsables historiquement des émissions mondiales, ont besoin d’un soutien financier et technologique accru pour renforcer leurs engagements. Si la revue des engagements ne prend pas suffisamment en compte ces disparités, cela pourrait conduire à un fossé croissant entre les pays du Nord et ceux du Sud.
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Mise en œuvre effective : Un engagement sur le papier ne garantit pas toujours sa mise en œuvre. L’efficacité de la revue dépend donc de la capacité des pays à transformer leurs promesses en actions concrètes, notamment en alignant leurs politiques économiques et énergétiques avec leurs objectifs climatiques.
Les perspectives futures
Le processus de revue des engagements est au cœur des futures négociations climatiques. La COP28 en 2023 marquera une étape clé avec la première évaluation mondiale (Global Stocktake), un exercice qui permettra de mesurer collectivement les progrès réalisés. Cette évaluation mettra en lumière non seulement les succès, mais aussi les insuffisances des efforts mondiaux pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
À long terme, le succès de la revue des engagements dépendra de l’engagement politique, du soutien financier aux pays les plus vulnérables et de l’adaptation rapide aux nouvelles réalités climatiques et technologiques. La finance environnementale jouera également un rôle essentiel dans la mobilisation des ressources nécessaires pour accompagner cette transition, en canalisant les fonds vers des projets à faible émission de carbone et en favorisant des partenariats publics-privés.
La revue des engagements de l’Accord de Paris est un pilier central du succès des efforts climatiques mondiaux. Elle permet non seulement d’adapter les objectifs aux réalités évolutives, mais aussi de renforcer la coopération internationale pour faire face à un défi planétaire. Cependant, pour être véritablement efficace, cette revue doit s’accompagner d’une volonté politique accrue, d’un soutien financier massif et d’une mise en œuvre rigoureuse des engagements pris. La transition vers une économie bas-carbone ne pourra se faire qu’avec une ambition collective renforcée, capable de répondre aux urgences climatiques actuelles.